Depuis la révocation du droit fédéral à l’avortement par la Cour suprême en 2022, les États-Unis sont devenus un patchwork de législations. Certains États, tels que la Californie ou le Vermont, ont inscrit l’avortement dans leur Constitution, tandis que d’autres, à l’instar de l’Indiana ou de la Floride, ont adopté des restrictions drastiques, parfois jusqu’à la sixième semaine de grossesse.
Selon les dernières données publiées par l’institut Guttmacher, les avortements ont connu une légère hausse d’environ 1 % en 2024. Cette augmentation survient malgré la fermeture de nombreuses cliniques dans les États ayant adopté des interdictions ou des restrictions sévères. Entre 2020 et 2024, le nombre de cliniques physiques pratiquant l’IVG est passé de 807 à 765, mais la proportion d’avortements réalisés à distance (télésanté) a fortement augmenté. « Les autogestions via des pilules commandées en ligne, parfois depuis l’étranger, complexifient le comptage officiel des IVG », explique Marie Moreau, directrice du département anglophone de l’Université Lyon 3, spécialiste de la question de l’avortement aux États-Unis et au Canada.
La justice contre-attaque les restrictions
Dans le Wyoming, l’unique clinique d’avortement de l’État a pu reprendre les interventions chirurgicales après la suspension de deux lois restrictives. Un juge a déclaré inconstitutionnelles les exigences qui imposaient aux cliniques d’être agréées comme centres de chirurgie ambulatoire et d’effectuer des échographies avant les avortements médicamenteux. Ces mesures, adoptées par le gouverneur républicain en février, avaient contraint la clinique à fermer temporairement, faute de pouvoir financer les rénovations nécessaires. La juge Melissa Owens a estimé que ces lois violaient la Constitution du Wyoming, qui garantit à chaque adulte compétent le droit de prendre ses propres décisions en matière de santé. Elle a également dénoncé l’absence de distinction dans la loi entre un zygote et un fœtus, ou entre un fœtus viable et non viable, rendant la législation particulièrement sévère. Marie Moreau précise : « Pour l’instant, l’avortement reste légal dans l’État, même si la bataille judiciaire se poursuit, notamment autour de la première interdiction explicite des pilules abortives aux États-Unis. »
L’État renforce la protection et le financement
À l’inverse, le Colorado a franchi un nouveau cap en faveur du droit à l’avortement. Le gouverneur Jared Polis a signé deux lois majeures : la première, issue de l’amendement 79 adopté par référendum en novembre, inscrit le droit à l’avortement dans la Constitution de l’État et lève l’interdiction du financement public de la procédure. Désormais, l’avortement sera couvert par Medicaid, le programme Child Health Plan Plus, et les assurances des employés publics. Cette mesure, approuvée par 62 % des électeurs, entrera en vigueur début 2026. Les analystes estiment que la couverture publique de l’avortement coûtera près de 5,9 millions de dollars la première année, mais qu’elle permettra en réalité d’économiser de l’argent grâce à la réduction des frais liés aux naissances. La seconde loi renforce la « loi bouclier » de 2023, protégeant les professionnels et les patientes des ingérences d’autres États, notamment en matière de confidentialité des données et d’enquêtes judiciaires.
L’offensive anti-avortement de Trump
Donald Trump a pris une série de mesures, abrogeant des décrets qui facilitaient l’accès à la contraception d’urgence et protégeaient les données personnelles des femmes. Il a réaffirmé l’application de l’amendement Hyde, qui interdit l’utilisation de fonds fédéraux pour financer l’IVG, sauf en cas de viol, d’inceste ou de danger pour la vie de la mère. Il a également supprimé les subventions à Planned Parenthood, réseau de santé reproductive, mettant en péril l’accès aux soins pour des millions de femmes à faibles revenus. Le Congrès a adopté une proposition de loi visant à pénaliser les médecins n’appliquant pas des soins aux bébés « nés vivants » lors d’un avortement. Marie Moreau mentionne, « C’est une mesure dénoncée par les démocrates comme une tentative d’intimidation des professionnels. »

Le gouverneur du Colorado, Jared Polis, signe le projet de loi 25-183 du Sénat le 25 avril 2025 au Capitole du Colorado. © Sara Wilson/Colorado Newsline