Le Lesotho, ce « pays dont personne n’a jamais entendu parler » selon Donald Trump, a été victime d’une des nombreuses annonces de la part de Washington. Le 2 avril 2025, le président américain a imposé des droits de douane de 50% pour les produits lesothans exportés vers les États-Unis. Cette annonce a été précédée par le gel des aides américaines de l’Usaid, bouleversant ce petit pays limitrophe de l’Afrique du Sud.
Le Lesotho est un royaume montagneux de 2,3 millions d’habitants enclavé dans l’Afrique du Sud. Le pays, indépendant du Royaume-Uni depuis 1966, est une monarchie constitutionnelle surnommée le « Royaume dans le Ciel » à cause de son altitude, dépassant toujours les 1000 mètres.
Gel de l’aide américaine : contre le VIH, les programmes s’essoufflent
« Huit millions de dollars pour promouvoir les LGBT+ dans la nation africaine du Lesotho, dont personne n’a jamais entendu parler ». C’est avec ces mots que s’adresse le président Donald Trump lors de son discours devant le Congrès américain le 4 mars. Il a alors justifié les coupes budgétaires massives dans l’aide des Etats-Unis à l’étranger. Investi depuis le 20 janvier 2025, le président américain Donald Trump n’avait jamais évoqué ce pays qui exporte tant aux États-Unis. Mais deux annonces successives du 47e président des États-Unis ont suffi à le mettre en lumière. Ce montant de 8 millions de dollars n’aurait pas été perçu par le pays, selon la principale ONG soutenant les personnes LGBT+ au Lesotho, People’s Matrix. « On ne reçoit littéralement pas de fonds américains », a affirmé le porte-parole de l’ONG Tampose Mothopeng à l’AFP. « On n’a aucune idée de l’affectation de ces 8 millions de dollars, on ne sait pas qui a reçu ou va recevoir cet argent », a-t-il assuré.
Le Lesotho a effectivement été un bénéficiaire majeur des aides américaines ces dernières années, mais pas pour les raisons énoncées par Donald Trump. Le pays, qui fait face à une épidémie de VIH depuis de nombreuses années, a versé plus de 959 millions de dollars depuis 2006 pour financer les programmes de lutte contre cette maladie, selon le département d’État américain. La santé est le premier secteur aidé par les fonds américains avec 120 millions de dollars alloués en 2024, dont 43,5 pour la seule lutte contre le VIH/Sida. D’après le ministère lesothan de la santé, environ un adulte sur quatre est séropositif dans le pays. L’aide américaine finançait notamment le PEPFAR, un plan d’urgence à la lutte contre le Sida à l’étranger. Depuis l’annonce, le 24 janvier 2025, du gel des fonds de l’Agence américaine pour le développement (Usaid), près de la moitié des programmes financés par le PEPFAR ont été interrompus, notamment pour la prévention du VIH ou l’accès aux médicaments. « Le PEPFAR a dû faire face au licenciement immédiat de milliers de travailleurs de la santé, la fermeture de dispositifs de soins et des traitements interrompus », déplore Mathilde Boussion, journaliste correspondante en Afrique du Sud. Le Lesotho, à court d’argent, apparaît démuni pour combler ces trous, et les personnes séropositives se retrouvent privées de médicaments vitaux.
Sous la menace des droits de douane américains
« Le Lesotho dépend fortement de ses exportations, en particulier du secteur textile, et de l’aide étrangère », explique Mathilde Boussion. Cette dépendance s’est accentuée depuis l’entrée en vigueur de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) en 2000, un accord commercial initié par Bill Clinton qui permet à une trentaine de pays subsahariens d’exporter certains produits vers les États-Unis sans droits de douane. Cette exemption a permis au Lesotho de devenir un acteur majeur du textile, au point de se hisser à la quatrième place des exportateurs africains de produits non pétroliers vers les États-Unis, derrière le Kenya. L’industrie textile, qui profite directement de l’AGOA, est le plus gros employeur du Lesotho avec plus de 35 000 salariés, selon le Financial Times. Ce secteur ne se limite pas aux emplois directs : il génère aussi des milliers d’emplois indirects dans les transports, l’alimentation, le commerce de détail et l’immobilier. Les grandes marques américaines, comme Levi’s, font fabriquer une partie de leurs jeans dans les usines du Lesotho, dont beaucoup appartiennent à des investisseurs chinois et taïwanais.
Cependant, cette réussite cache une fragilité structurelle. La balance commerciale est largement en faveur du Lesotho : en 2024, le déficit commercial des États-Unis avec le pays atteignait 234 millions de dollars, en hausse de 5 % par rapport à l’année précédente. Ce déséquilibre alimente les critiques du gouvernement de Trump, qui a annoncé la révision du pacte commercial lors d’une déclaration à la Maison Blanche. Le président américain a accusé les partenaires étrangers d’avoir « pillé » les États-Unis et promis que cela « n’arrivera plus ». Le ministre des Affaires étrangères, Lejone Mpotjoane, a indiqué l’ouverture de discussions avec Washington pour tenter de préserver les avantages douaniers. Car comme le raconte Mathilde Boussion, « La fin de l’AGOA signifierait un risque de fermeture immédiate des usines et des pertes d’emplois massives ». L’avenir du textile au Lesotho se repose désormais sur des négociations avec Washington et sur le maintien de l’accès préférentiel au marché américain.
Anaïs Binghinotto et Clara Roche
ENCADRÉ : Tarifs douaniers américains : l’Afrique touchée
Plusieurs pays africains subissent des droits de douane américains tels que Madagascar (47%), Maurice (40%) et le Botswana (37%). D’autres nations subissent un tarif de base de 10% sur leurs exportations vers les États-Unis, malgré l’absence de déficit commercial américain avec ces pays. Donald Trump justifie ces mesures par un « mauvais traitement » réservé aux États-Unis. Les relations se sont détériorées avec l’Afrique du Sud depuis le début de sa présidence, notamment concernant les exportations automobiles. Le platine, principal produit d’exportation sud-africain, pourrait bénéficier d’une exemption.
