Entre promesses d’un business florissant, les agences de modèle de charme sur MYM et OnlyFans, se multiplient sur Internet depuis quelques mois. Ces créateurs publient des photos dénudées, vidéos, du contenus érotiques et pornographique payants. Ils monétisent des images de leur corps, dans l’espoir d’arrondir leurs fins de mois. Enquête sur le commerce du sexe en ligne peu lucratif et risqué.
Cette enquête a été écrite le 1 décembre 2023.
Ces conversations proviennent d’une discussion sur Instagram entre une agence de charme sur OnlyFans et MYM et un faux profil que nous avons créé. Dans celle-ci, l’agence ne se doute pas que nous soyons journalistes et qui nous cherchons à enquêter.
Faux profil : slt j’aimerais me lancer sur ofm et j’ai trouvé ton compte tu prends combien de pourcentage ?
Agence : C’est du 50/50 moi je fais le chatting sur insta sur les applis de rencontre et sur only fan et que toi t’es quand même le modèle.
Faux profil : ben oui c’est un peu la merde c’est pour ça je voulais savoir et du coup ça se passe comment ?
Agence : C’est un peu comme une mannequin et son manager en gros, moi je parle toi tu es l’image mais dis toi que j’ai déjà fais quelque milliers d€ cette année sur les appli de rencontre
Faux profil : mais quoi c’est vraiment un business qui marche vraiment ?
Agence : Bah oui le marché des hommes il est terrible y’a trop de mec qui sont en chien
Faux profil : Tu gères bcp de compte ?
Agence : Je faisais autre part avant et j’ai arrêter parce que je me faisais entre 1000€ et 3000€ par mois quand j’étais sérieux sur un truc sans potentiel là avec only fans c’est facile 5k mois
Sur ces discussions, les représentant des agences nous promettent de l’argent facile et une liberté totale. Depuis quelques mois, ces agences se multiplient sur les réseaux sociaux. On a enquêté sur cette activité soi-disant rentable et légale.
Depuis quelque temps, de nombreuses vidéos sur TikTok émergent sur le nouveau business à la mode, celui de créer une agence de charme. Comme l’influenceur Hugo Mathias qui a créé des formations gratuites sur ce système (https://vm.tiktok.com/ZGeRbBTon/https://vm.tiktok.com/ZGeRbfj5K/). Tous se présentent comme des jeunes hommes devenus riches grâce à cette opportunité, nous conseillant sur les modèles à suivre. C’est comme des agences de mannequins, promettant de pouvoir gagner beaucoup d’argent. Leur gagne-pain, c’est OnlyFans et MYM.
Les agences « ofm » (OnlyFans et MYM), débauchent majoritairement de jeunes femmes travaillant sur les réseaux comme Instagram ou TikTok. Celles-ci postent des contenus osés accepter par les plateformes. Dans le but de gagner de l’argent et de la notoriété, les créateurs donnent accès aux agences à leur compte OnlyFans. Ils peuvent aider à planifier le contenu, à le créer, à le publier et à le promouvoir.
Le créateur peut réaliser des vidéos ou prendre des photos pendant qu’il pratique des actes sexuels. Les agences gèrent ensuite le compte pour eux, en chattant avec les abonnés. En effet, les abonnés peuvent envoyer des messages sur un média privé (comme un chat privé) aux créateurs s’ils peuvent contre de l’agent (5€ à 1 000€) faire quelque chose qui satisfait leurs propres désirs sexuels, comme dire leur nom, accomplir un acte sexuel ou satisfaire un fétichisme particulier. Ils gèrent également les paiements et les taxes pour eux, afin qu’ils n’aient pas à se soucier de ces détails. En échange de leurs services, ils facturent généralement un pourcentage des gains sur la plateforme.
Est-ce qu’on peut parler d’une nouvelle forme de travail du sexe ?
Le travail du sexe, c’est le fait de fournir un service ou une prestation sexuelle contre de l’argent, c’est le contenu qui procure du plaisir, de l’excitation sexuelle à autrui. Le travail du sexe ce n’est pas uniquement la prostitution. Or, finalement, quand, sur OnlyFans ou sur MYM, les créateurs envoient des médias privés, érotiques, voir pornographique à des abonnés, en échange d’argent. C’est un service, une prestation sexuelle contre de l’argent.
Cependant, les personnes qui peuvent vraiment profiter de ce système sont les agences et les influenceurs ayant déjà une grande communauté. Les créateurs avec par exemple 1000 abonnés avec un abonnement de 30€ (elle est entre 11 € et 30 €), cela fait 30 000€ soit 360 000€ l’année. Même avec les commissions des agences et de MYM et OnlyFans (20 à 25%).
C’est pour cela que les créateurs engagent des agences afin de se simplifier le travail en leur créant une communauté. Pourtant, les commissions demandées par les agences pour collaborer sont exorbitantes, entre 45 à même 70%.
Pour mieux analyser ce système, nous devons comprendre comment les échanges avec les modèles sont orchestrés, et les méthodes utilisées pour manipuler ses victimes. Sur Instagram, nous créons un faux compte. Son profil est une femme de 19 ans ayant du mal à payer son logement et qui souhaite gagner beaucoup d’argent rapidement.
Toutes les agences commencent par nous donner la valeur de leur commission. “C’est du 50/50”, “je prends 45 %”. Ils nous disent qu’ils peuvent se faire entre 1000 et 3 000 € le mois (s’ils le divisent par deux, cela ne fait que 500 à 1 500 € par mois chacun).

Il nous explique que nous sommes des mannequins, que tout ce que nous avons à faire, c’est de leur envoyer du contenu régulier pour satisfaire les fantasmes des abonnés et qu’eux font le reste. À la suite de la création des comptes, les agences prennent le contrôle. En effet, ce sont eux qui vont chatter à notre place avec nos clients. Dans les messages, ils sont très à l’écoute avec nous en nous promettant un accompagnement juridique et moral.
Une des agences avec laquelle on a le plus parlé, c’est Agence OnlyFans France. Il s’appelle Théo, il a 19 ans et ne travaille pas il s’occupe tout seul de l’agence. Il nous explique qu’il déclare seulement les revenus sur OnlyFans. Cependant, ils ne nous expliquent pas comment ils vont nous prouver le fait qu’ils divisent équitablement les revenus générés sur la plateforme.







Son arnaque commence par créer plusieurs profils sur les sites de rencontre (plus de 50) dans toute la France. Il l’explique dans des messages audios qu’il nous a envoyés.
“Tu crées un site de rencontres avec des photos qui donne envie pour draguer des gens. Ensuite tu mets en bio ton Insta ils viennent sur Insta je leur dis que on a un OnlyFans mais je parle à ta place. Donc ce qui veulent venir sur la plate-forme OnlyFans viennent normalement y a tellement de gens en chien”.
Extrait d’un message audio de Théo
Puis développe qu’OnlyFans est une planque où les clients savent qu’ils peuvent mettre leur argent dans une plate-forme sécurisée.
Vers la fin de notre discussion avec Théo, nous avions posé la question s’il allait nous faire signer un contrat. Toutes les agences de charme font signer des contrats afin de mettre en place l’accessibilité et les limites de leur collaboration. Théo lui pense que ce n’est pas important. Nous pensons que ce n’était pas une vraie agence. Les créateurs ne sont donc pas protégés sur la divulgation des contenus envoyé à Théo. Il est possible qu’il utilise les photos à son profit personnel.
Nous avons posé la question à un avocat spécialisé dans le droit des influenceurs, Raphaël Molina de InfluxioAvocats, quel est l’encadrement juridique des agences de charme.
“Les agences sont encadrées par un vide juridique, ce n’est pas des proxénètes puisqu’il n’est pas interdit de concevoir des agences de charme, cependant leurs méthodes d’arnaque peuvent-elles être soumise un contrôle renforcé pas l’administration sur les obligations des influenceurs”
Raphaël Molina de InfluxioAvocats.
Mais alors, Onlyfans et MYM peuvent, ils agir ?
Selon MYM, il est à envisager d’avoir des preuves des contrats. Cependant, il demeure sur le volontariat. Vu que les agences sont hors de la plate-forme, ils ne peuvent rien faire sauf une prévention auprès des créateurs pour effectuer des bons réflexes.
Quant à OnlyFans, le CGS du réseau explique que les créateurs donnent les droits à la plate-forme d’utiliser, de reproduire, modifier, exposer, distribuer et dévoiler le contenu par le droit de propriété intellectuelle.
La Cour de cassation (comme pour les contacts entre Uber et ses employés) autorise le créateur à se constituer une clientèle qui lui est propre, pour lui, il n’y a pas de contrat de travail entre les créateurs et les plates-formes comme OnlyFans et MYM. Les fans peuvent donc stocker les fichiers, imprimer et télécharger alors usage personnel et non commercial. (clause 7.2.1 et 7.2.2)
Mais alors, le droit à l’oubli sur ces plates-formes est-il faisable ?
D’abord, nous avons entendu parler de canaux, messagerie où des liens se suivent, sur Telegram ou du contenu érotique circule. Cependant, en effectuant nos recherches nous avons vu que ce sont des contenus OnlyFans de compte payant. Ce sont des abonnés qui envoient un dossier du créateur en lien pour que d’autres puissent y avoir accès sans payer.
Télégramme ne donne pas accès à ces discussions, cependant grâce à des réglages externes de télégramme, nous pouvons y avoir accès.





Qu’est-ce que le droit encadre ?
« Lorsque les délits prévus aux articles 226-1 et 226-2 portent sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu public ou privé, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 € d’amende. Est puni des mêmes peines le fait, en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même, à l’aide de l’un des actes prévus à l’article 226-1. »
Ainsi, peu importe que les photos ou les vidéos aient été prises avec son consentement, toute personne dispose d’un droit exclusif sur son image et sur l’utilisation qui en est faite.
Certaines agences et agents exploitent les aspirations et les vulnérabilités des individus. Elles les poussent à se prostituer en ligne sous le prétexte de la célébrité de l’argent facile et de la vie luxueuse. Ce fut le cas pour Alice (*prénom modifié), elle nous explique :
“J’aimerais que les gens se rendent compte de la gravité de ces faits, j’avais 15ans, aujourd’hui j’en ai 21. J’étais au lycée en seconde quand une amie m’a fait connaître le OnlyFans pour les pieds (…) je n’avais pas beaucoup de moyen financier. J’ai fini par crée un compte.
Alice*
Elle poursuit :
“Les hommes me faisaient de gros sous-entendu, « au-dessus des pieds ce serais encore mieux » et ils me faisaient comprendre que l’argent serait beaucoup plus affluant. J’ai commencer à prendre des photos de moi nue, de plus en plus osé. Au moment où je m’étais fait une bonne clientèle, l’agence *** m’a contacté. Ils m’ont vendu l’affaire comme une prise de gains énorme avec des chiffres impensable.J’ai craqué.”
Alice*
Elle nous dévoile que tout à basculer :
J’ai signé un contrat, ils prendraient 50% de mes gains et échanges d’une forme de « pubs ». J’ai vendu des photos de mon corps. Quand j’ai rencontré ma copine, elle m’a demandé comment je faisais pour avoir autant argent étant donné que je ne travaillais pas et que ma famille n’était pas aisée (..) elle ne m’a jamais jugé. J’ai finis part avoir même un peu peur de ce que j’avais fait, j’ai donc arrêté de poster (…) Des personnes mécontentes de mon inactivité ou encore des messages de l’agence, je l’ai ai contacté et leurs ai dit que c’était finis. Ils m’ont menacé. J’étais réellement détruite, je me dégoûtais…
Alice*
Cette banalisation de MYM et la montée des agences de proxénète ont créé un environnement propice à l’exploitation sexuelle en ligne. Sur cette plate-forme des milliers de personnes principalement des femmes se retrouve prise au piège dans cette industrie dangereuse. Elles sont confrontées à des situations précaires à la perte de contrôle sur leur image, à des risques pour leur sécurité, du cyberharcèlement, leak de photos.
Pour Alice*, son passé l’a hante toujours :
Je suis allée voir des psys. Je me suis reconstruit en oubliant (..) j’avais 15 ans et j’ai vendu mon corps, je me suis prostituée ! J’ai toujours cette impression de vendre une partie de moi (..) les gens en parle comme si c’était normal comme si c’était un compte Instagram ou Snapchat.
Alice*
Alice nous raconte son témoignage afin de ne plus normaliser et glorifier la pornographie sur Internet. Elle espère faire entendre sa voix, et toucher le plus de monde possible.
Le métier de créateur de charme est un métier dangereux qui doit être fait par envie avec un contrôle parfait sur ce qui est posté.